u côté de Jean-Marc Lacabe, le président de Captures, l’autre co-commissaire de l’exposition « Nous, laminaires » (1), où les regards de trois photographes sur les « paysages naturels » de la Martinique croisent des textes d’Aimé Césaire qu’elle lit elle-même, la belle-fille de l’écrivain et homme politique est venu rencontrer ce samedi 11 mai le public de l’exposition. Colette Césaire y a loué l’œuvre littéraire de son beau-père, bien sûr. Elle en rappelle aussi la portée politique et humaniste universelle.
Pour aider à comprendre qui a été – et reste – Aimé Césaire, comment le présenteriez-vous ?
Je dirais qu…
u côté de Jean-Marc Lacabe, le président de Captures, l’autre co-commissaire de l’exposition « Nous, laminaires » (1), où les regards de trois photographes sur les « paysages naturels » de la Martinique croisent des textes d’Aimé Césaire qu’elle lit elle-même, la belle-fille de l’écrivain et homme politique est venu rencontrer ce samedi 11 mai le public de l’exposition. Colette Césaire y a loué l’œuvre littéraire de son beau-père, bien sûr. Elle en rappelle aussi la portée politique et humaniste universelle.
Pour aider à comprendre qui a été – et reste – Aimé Césaire, comment le présenteriez-vous ?
Je dirais qu’Aimé Césaire permet de reconstruire l’image de la Martinique, d’évacuer ce cliché d’île touristique et, au contraire, de faire connaître la Martinique comme une terre de souffrance, mais aussi comme une terre d’espérance. Aimé Césaire, c’est un bienfaiteur de l’humanité. C’est quelqu’un qui encourage, qui montre que la fatalité n’existe pas et qu’un monde meilleur est possible, mais à condition de lutter et ça, les gens ne le veulent pas, c’est trop difficile. Je n’en veux pas à tous ces gens qui ont leurs propres difficultés, qui sont dans le « chacun pour soi », mais moi, j’ai réglé la question : l’individualisme ne peut pas gagner. Je suis condamnée à réfléchir avec d’autres pour construire un progrès. Je ne veux pas progresser seule.
Il est présenté comme « le poète de la négritude ». Qu’entend-on par « négritude » ?
On voit aujourd’hui, aux États-Unis et même dans le monde entier, le mouvement Black Lives Matter, « la vie des Noirs compte ». Je ne sais pas si les gens comprennent bien la puissance de ce slogan. Autrefois, aux États-Unis, dans le Sud ségrégationniste, la vie des Noirs ne comptait pas. Avant, déjà, au moment de l’esclavage, et Césaire le rappelait, on pouvait se saisir d’un Noir, le rouer de coups et le tuer sans avoir de comptes à rendre à personne. La négritude, c’est la réhabilitation du mot « nègre ». Césaire l’a dit très bien, nous avons sorti le mot « nègre » de la boue et l’avons élevé à la dignité. Mais la négritude, c’est aussi un concept très actuel, qui ne se limite pas à une couleur de peau. La négritude, c’est une prise de position politique. Celui qui se déclare « nègre » prend position contre l’injustice et affirme sa solidarité avec une communauté de souffrance. C’est une communauté de souffrance, la négritude. Aujourd’hui, les nouveaux nègres, ça pourrait être les migrants qui meurent en Méditerranée. Je suis une femme noire. Ça, c’est ma couleur de peau, je ne l’ai pas choisie, mais je suis une femme nègre. Ça, je l’ai choisi. C’est-à-dire que j’ai choisi de faire partie de celles et de ceux qui refusent l’oppression, qui refusent l’injustice, qui refusent toutes les formes de discrimination et qui tâchent d’œuvrer pour une société meilleure.
Aimé Césaire est-il reconnu à la juste valeur de son œuvre, de ses engagements ?
Aimé Césaire reste une personnalité éminente dans le monde entier. Ensuite, ce serait beaucoup dire qu’il a aujourd’hui sa juste place, dans l’enseignement des lettres en France, notamment. Ce qui est en tout cas indéniable, c’est que depuis sa mort, en 2008, de plus en plus d’éditeurs de manuels scolaires reproduisent des extraits d’œuvres de Césaire. De même qu’on ne peut pas nier que beaucoup d’établissements scolaires portent le nom d’Aimé Césaire, notamment en France, des rues, aussi. On trouve une allée Aimé-Césaire à La Rochelle, par exemple. Est-ce qu’Aimé Césaire est devenu familier, pour autant, non. Il existe encore énormément de gens qui ne connaissent pas Césaire, qui ne le lisent pas et c’est pourquoi je suis là. C’est mon travail. Je suis un guide. Je transmets, j’accompagne, j’aide à lire, à comprendre.
« Lui, le poète, voit ces beautés cachées qui sont les forces, les compétences cachées du peuple martiniquais »
Quel rapport votre beau-père entretenait-il avec ce que vous veillez à qualifier de « paysages naturels de la Martinique ? »
Aimé Césaire se promenait quasiment tous les jours dans la nature de son île. Il avait un rapport symbiotique, fusionnel avec cette nature. Césaire la considérait comme sa source d’inspiration, la source d’inspiration de son écriture poétique. Il la considérait ainsi parce que pour lui, la nature martiniquaise et ses paysages naturels sont des symboles du passé du peuple martiniquais. Un passé douloureux, tragique, fait de catastrophes naturelles de catastrophes historiques, avec l’esclavage, évidemment, de catastrophes politiques et sociales – la colonisation –, de catastrophes culturelles aussi, parce que la colonisation, c’est une acculturation. Mais cette nature symbolise pour Aimé Césaire la promesse d’un avenir meilleur, parce que lorsqu’il regarde un paysage, il le voit de manière duelle : le paysage n’est pas que négatif, il est aussi majestueux et lui, le poète, voit ces beautés cachées qui sont les forces, les compétences cachées du peuple martiniquais. Cachées parce qu’un peuple colonisé, réduit à l’esclavage, c’est un peuple que l’on a privé de la connaissance de lui-même. Lorsqu’on vient de là, on n’a absolument pas conscience de ses forces. On ne se voit pas beaucoup, on ne se voit pas capable. C’est ce que ressentent encore aujourd’hui les Martiniquais, parce que l’un des plus grands méfaits du colonialisme, c’est l’aliénation, la honte de soi qui durent de génération en génération.
(1) Exposition visible jusqu’au 9 juin, du mardi au dimanche, de 14 h 30 à 18 h 30, à l’espace d’art contemporain, quai Amiral-Meyer.
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