Aimé Césaire n’a pas signé « L’Invitation au voyage », mais la nouvelle exposition de Captures, visible à l’espace d’art contemporain des Voûtes du Port (1), porte la même promesse que le poème de Baudelaire. Césaire, lui, a signé une œuvre tout aussi poétique, mais plus politique. Pour autant, le poète de la « négritude » n’a pas cantonné sa riche plume aux seuls combats sociétaux. Il s’est parfois fait le chantre…

Aimé Césaire n’a pas signé « L’Invitation au voyage », mais la nouvelle exposition de Captures, visible à l’espace d’art contemporain des Voûtes du Port (1), porte la même promesse que le poème de Baudelaire. Césaire, lui, a signé une œuvre tout aussi poétique, mais plus politique. Pour autant, le poète de la « négritude » n’a pas cantonné sa riche plume aux seuls combats sociétaux. Il s’est parfois fait le chantre de la beauté naturelle de son « île aux fleurs ». Une ode aux « paysages naturels » de la Martinique, selon les mots de Colette Césaire, que la belle-fille de l’écrivain et homme politique (2) voulait célébrer.

Un projet artistique né en Martinique au printemps 2023 qui trouve son prolongement à Royan jusqu’au 9 juin. Pour marquer à la fois les 110 ans de la naissance d’Aimé Césaire et les 40 ans de la publication de son recueil, « Moi, laminaire… », Colette Césaire a nourri l’idée d’un hommage associant les textes de son beau-père, dont cette professeure de lettres modernes s’est naturellement fait une spécialité, et la photographie.

Entre en jeu l’association Captures et, notamment, l’expertise de son président, Jean-Marc Lacabe, en matière de photographie. De la fine connaissance de l’œuvre d’Aimé Césaire par sa belle-fille et de l’approche de Jean-Marc Lacabe pour la dimension photographique a émergé « Nous, laminaires », dialogue entre les mots de Césaire déclamés remarquablement par Colette Césaire et le fruit de l’immersion de trois photographes contemporains dans les « paysages naturels » de la Martinique.

Chacun son parti pris

Juliette Agnel, Xuebing Du et Nicolas Berné ont plongé trois semaines durant dans les profondeurs de la forêt vierge du nord de la Martinique, dans les entrelacs des mangroves, seul végétal capable de croître dans l’eau salée. Exercice connu pour Nicolas Berné, originaire de l’île, plus dépaysant pour ses deux coreligionnaires. Au terme de trois semaines de résidence artistique, au printemps 2023, « Nous, laminaires » a été exposé une première fois par la Fondation Clément, avant de traverser l’Atlantique.

Pour cette exposition en coproduction, Captures présente à l’espace d’art contemporain une sélection des photographies des trois artistes, suivant trois thèmes : « obscur », « duel », « vent ». Aux tirages en noir et blanc de Nicolas Berné matérialisant le « vent » en images s’oppose la saturation chromatique de la vision de la sino-américaine Xuebing Du. Saturation voulue, recherchée, « pour aboutir à l’image que je veux créer », parti pris d’artiste.

Tandis que l’alcôve voisine fait pénétrer le visiteur dans les photographies en grand format de l’obscure forêt martiniquaise vue par Juliette Agnel. Casque sur les oreilles, le visiteur laisse la voix de Colette Césaire le bercer des mots savants de son illustre beau-père, dans une balade poétique à la croisée des arts.

(1) Exposition visible jusqu’au 9 juin, du mardi au dimanche, de 14 h 30 à 18 h 30, à l’espace d’art contemporain, quai Amiral-Meyer. Rencontre, table ronde et débat samedi 11 mai à 18 h en présence des commissaires d’exposition et des artistes.
(2) Aimé Césaire a été maire de Fort-de-France de 1945 à 2001, député de 1945 à 1993 et président du parti progressiste martiniquais de 1958 à 2005.