De la perle de l’Atlantique des années 30, aux champs de ruines de 1945, Royan a vu son destin basculé en quelques mois, presque en quelques heures. Retour sur le sort singulier, tragique et sacrificiel de cette station balnéaire de Charente-Maritime.
Son climat, son casino, la vogue des bains de mer et l’engouement autour d’un nouveau phénomène, le bronzage, en font un lieu couru : 200 000 touristes s’y pressent. En 1939, la ville compte 12 000 habitants et on peut même y apercevoir Pablo Picasso.
Comment cette station balnéaire atlantique, symbole de douceur de vivre dans les années 30, a basculé dans la tragédie et disparu sous les bombes en 1945 ?
Le 10 mai 1940, l’armée d’Hitler lance la Blitzkrieg, la guerre éclair. Une offensive massive et ravageuse : en un mois, les troupes françaises et anglaises sont enfoncées.
Et le 23 juin 1940, les Allemands entrent dans Royan. Ils investissent la ville, mais, durant les deux premières années, cette occupation ne se passe pas dans un climat de tension extrême entre occupants et habitants, comme le montrent les films amateurs pris par des soldats allemands.
L’année 1942 marque le vrai durcissement du conflit. L’entrée en guerre des troupes soviétiques met Hitler face à l’une de ses pires craintes : avoir deux fronts simultanés, un à l’est et l’autre à l’ouest. Commence alors la construction du Mur de l’Atlantique, cet imposant système de fortifications côtières construites par le Troisième Reich le long de la côte occidentale de l’Europe pour prévenir les attaques et invasions anglaises ou américaines.
Royan, transformée en forteresse, devient stratégique et reçoit même la visite de Rommel.
Cette œuvre monumentale n’aura pas l’effet escompté : le 6 juin 1944, les Alliés débarquent en Normandie.
1944 : l’engrenage infernal
En septembre 1944, les FFI, Forces Françaises de l’Intérieur issues de la Résistance, entourent Royan, toujours tenu par les Allemands. Sous équipés, mal organisés, ils sont surnommés les Gueux de l’Atlantique. Dans l’enceinte de la ville, restent 7000 soldats, aux ordres de l’Amiral Michahelles. Le pays se libère peu à peu, mais Royan s’enlise. Reprendre Royan à l’occupant devient, et Charles de Gaulle l’a bien compris, un enjeu majeur : c’est le point de passage obligé pour rejoindre le port de Bordeaux, libéré en août de la même année et parfaitement utilisable.
Le 18 septembre, lors d’un discours prononcé à Saintes, Le Général de Gaulle charge le Général de Larminat, un fidèle parmi les fidèles, de libérer ce que l’on appelle désormais la « poche de Royan ».
La fin de la guerre approche et, pour installer la France du côté des vainqueurs, De Gaulle a besoin d’une victoire française : le sort de Royan devient politique. De Gaulle convainc Eisenhower de libérer la 1ʳᵉ Division FL pour participer à cette libération Royannaise.
Le 10 décembre 1944, lors d’une réunion stratégique à Cognac, un bombardement aérien massif est décidé. Participent à cette réunion, le Général de Larminat, le Général Coliglion-Molinier, chef des forces aériennes françaises et le Général américain Ralph Royce. La date du bombardement est décidée : ce sera dans la nuit du 25 décembre. Seuls les Anglais ou les Américains sont en mesure de l’exécuter. Les évacuations de civils ont commencé dès septembre, mais 2 225 d’entre eux refuseront de partir : ils seront appelés les « empochés ».
Mais les événements s’enchaînent, selon une logique qui se révèlera funeste. Le 16 décembre, les Allemands lancent une contre-attaque dans les Ardennes. La 1ʳᵉ Division FL est rappelée en renfort et l’opération est retardée. Mais une fenêtre de tir se profile plus tôt que prévu : le 4 janvier 1945.
Le 4 janvier et le 17 avril 1945 : deux bombardements et un champ de ruines
Les Anglais, chargés du bombardement, envoient un télégramme à l’état-major des forces françaises pour s’assurer que l’évacuation des civils est bien achevée. Ce télégramme, arrivé tardivement, ne sera traduit qu’après le déroulement de l’opération. Les Anglais, de leur côté, sont persuadés que le silence français a valeur de confirmation. Les documents officiels sont d’ailleurs sans ambiguïté :
Order : to destroy town strongly, defended by enemy and occupied by German troops only
Munis de mauvaises cartes, les Anglais pilonnent trois points du centre de Royan : Fort de Chay, Port de Royan et la Caserne Champlain. Royan est bombardée avec l’intensité réservée aux villes ennemies.
- à 3:48, les pilotes anglais entrent sur zone. 217 avions Lancaster lâchent 1 576 tonnes de bombes. C’est la panique totale.
- à 5:30, une seconde vague débute pour 15 minutes de bombardements intenses
- à 5:45, Royan n’existe plus. 80% de la ville est détruite. Les secours mettront dix heures pour arriver sur place. Moins que la neige.
Le bilan humain est sans appel : sur les 2 225 Royannais restants, 442 sont tués et 400 blessés. Quarante-sept soldats allemands perdront la vie. C’est un échec militaire cuisant. Et l’état-major de Cognac prendra connaissance de la catastrophe à 8:00 du matin, une fois que tout est fini.
Se pose alors le problème de la responsabilité : pourquoi les Français n’ont-ils pas, alors que c’était convenu, évacuer la ville de tout civil ? Pourquoi le télégramme des anglais est-il resté lettre morte ? Pourquoi les pilotes anglais avaient-ils en leur possession de mauvaises cartes qui les ont conduits à détruire le centre-ville ?
Pour permettre aux Français de garder la tête haute, Eisenhower renvoie le Général Royce aux États-Unis, alors qu’il avait été le seul à s’enquérir du sort des civils.
Les Allemands refusent tout d’abord de laisser entrer les secours de la Croix Rouge : le premier convoi de blessés ne partira que le 9 janvier.
Jusqu’en avril 45, la situation à Royan n’évolue pas. Les regards sont tournés vers le front de l’Est. À la mi-avril, les troupes soviétiques sont prêtes à faire tomber le IIIe Reich. La fin du conflit approche et le Général De Gaulle ne tient toujours pas sa victoire, indispensable pour faire basculer la France dans le camp des vainqueurs. Et Royan retrouve soudain un regain d’intérêt.
De Gaulle fait appel au Général Leclerc et à sa fameuse Deuxième Division Blindée, alors qu’elle était en route pour l’Allemagne.
Les soldats allemands faits prisonniers livrent des informations sur les forteresses restées intactes. Un nouveau bombardement est décidé et cette fois ce seront les Américains qui s’en chargeront. 8 000 aviateurs sont mobilisés, soit cinq fois plus que pour le premier bombardement.
Les Américains sont en possession des bonnes cartes : seules les fortifications sont visées. En plus de l’attaque aérienne, les Français investissent la terre et la mer : il reste tout de même 5 000 soldats ennemis dans la poche de Royan. Les troupes, menées par l’Amiral Hans Michahelles, se battent jusqu’à la fin.
Le 17 avril, on dénombre la mort de 1 000 soldats allemands, de 365 français, dont beaucoup de soldats coloniaux, envoyés en première ligne.
Le 18 avril, les Allemands se rendent, Royan est libéré après quatre jours de combat. Douze jours plus tard, Hitler se suicidera dans son bunker.
Lors de ce second bombardement, les Américains ont massivement lâché des bombes d’un nouveau type, constituées d’essence gélifiée, le Napalm. 1,5 million de litres plus exactement. Royan ou le galop d’essai de la guerre du Vietnam.
Une ville détruite pour rien ?
Pourquoi avoir frappé aussi fort ? Les moyens déployés paraissent démesurés, même si la finalité, éminemment politique, est empreinte de succès.
Le 28 avril, le Général de Gaulle assiste à Royan au défilé des soldats, avec le Général Larminat en tête. Le temps n’est pas aux polémiques : cette victoire française a, comme le souhaitait De Gaulle, permis à la France de rejoindre le camp des vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale.
« 1945, La Tragédie de Royan », un film de Guillaume Vincent, diffusé jeudi 9 mai à 22.45 sur France 3 Nouvelle-Aquitaine
À retrouver sur france.tv
Images d’archives, témoignages de survivants, regards d’historiens, le réalisateur Guillaume Vincent consacre un film à un épisode si particulier de la Seconde Guerre mondiale : le bombardement de Royan.
En me penchant sur la tragédie que Royan a subie en 1945, j’ai été happé par l’enchaînement kafkaïen de malentendus, de décisions hasardeuses et d’erreurs qui ont conduit à sa destruction.
Guillaume VincentRéalisateur
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