À l’approche du muguet du 1er-mai, le stress ne grimpe pas partout pareil. « Pour nous, ce n’est pas un rush, on en cultive peu, explique Frédéric Cluzeau, cogérant de La Roseraie. C’est risqué de cultiver toute l’année quelque chose qu’on ne peut vendre que pendant une matinée. » De l’autre côté du rond-point, autre ambiance. Amélie Meunier, responsable de la boutique Art Alia, s’apprêtait, vendredi, à recevoir les premiers pots de petites cloches blanches produites en Normandie, avant la livraison des brins, lundi. La journée de mercredi s’annonce chargée, même « si la tradition se perd un peu ».
À chaque commerce son sillon
L’ambivalence à quelques mètres de distance illustre la mosaïque autour du carrefour. « On ne fait pas la même chose », explique Anne Didulé, gérante de la maison du même nom. Elle a arrêté de produire dans ses serres – « plus rentable » depuis qu’elle tient la barre seule, après le décès de son mari voilà cinq ans – mais continue à vendre arbres et arbustes. « Nous, on fait plus le jardin, les plantes d’intérieur et les fleurs coupées, poursuit Cheyenne Battelier, employée horticole à La Roseraie. Chez Art Alia, ce sont des bouquets plus travaillés. » Amélie Meunier rebondit : « On fait beaucoup de déco, de vitrines fleuries, de location d’articles de fêtes (photobooth, fauteuils d’extérieur…).» À chacun son sillon.
On n’hésite pas à renvoyer les gens vers nos voisins si nous n’avons pas ce qu’ils veulent.
Les spécificités se combinent. « On n’hésite pas à renvoyer les gens vers nos voisins si nous n’avons pas ce qu’ils veulent », témoigne la vendeuse d’Art Alia. « Je dépanne parfois la fleuriste », complète Anne Didulé, de l’autre côté du carrefour.
Elles sont produites ici
Le secteur brasse une clientèle large. « La maison Didulé c’est une institution, j’ai des clients à Rouillac, Saint-Cybardeaux, témoigne la gérante de la pépinière ouverte en 1952. Un monsieur de Civray (86) vient régulièrement m’acheter des arbres. Certains venaient déjà petits avec leurs parents. » La Roseraie reçoit surtout des habitués de l’agglo d’Angoulême. Comme ce couple de Champniers, en quête d’un dichondra, une plante vivace rampante. « On vient régulièrement ici ou à leur stand du marché Victor-Hugo, depuis 30 ans », renseigne Didier Gesson. Danielle, son épouse, embraye : « Quand on a un problème avec une plante, on revient demander conseil, ils sont pros. Et c’est de la qualité. »
Annie Perraud, 71 ans, vient une dizaine de fois par an. « On trouve toujours de belles fleurs, résistantes. Et elles sont produites ici. » C’est l’argument de choc de La Roseraie : « On produit presque tout ce qu’on vend, explique le patron Frédéric Cluzeau. Ça joue en notre faveur. » Même si chez ses voisins, les camions chargés de fleurs en provenance de Hollande ne font pas fuir les clients.
Une terre bénie des dieux
La spécialisation du carrefour de Saint-Cybard ne doit rien au hasard. « Mon père s’est installé en 1962 parce que le terrain est bon. Il a même commencé en maraîchage », explique Frédéric Cluzeau, de La Roseraie. Ses 8 000 m² de serres et 1,2 ha de champs courent jusqu’à la Charente, dont les crues fertilisatrices entretiennent les sols. Idem chez Didulé, où les serres et plantations le long du cimetière de Bardines étaient exploitées il y a encore dix ans. « À Saint-Yrieix (qui jouxte le secteur), il y a eu jusqu’à 200 maraîchers », rappelle l’horticulteur.
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