Seule en scène et durant une heure vingt minutes, Nicole Garcia (Gabrielle) interprète un texte fort, profond et bouleversant de l’auteure Marie Ndiaye, mis en scène par son fils, Frédéric Bélier Garcia. D’une voix rocailleuse, sobre et intime, elle livre un monologue poignant où elle se démène avec sa conscience pour tenter de se convaincre qu’elle n’y est pour rien dans le suicide de son élève, Daniella.
Le décor se divise en deux parties : la classe et le porche où vit la professeure. Son cartable de professeure à la main, debout sous le porche, elle s’adresse aux parents de l’élève, dont elle sent la présence au-dessus d’elle. D’entrée de jeu, elle avoue ses limites et son impuissance : « Je ne suis pas aimée; je ne suis pas aimable. » Sous-entendu : « Ne me demandez rien. » Elle ne souhaite pas parler aux parents de cette jeune fille suicidée, eux qui souhaiteraient tant lui parler, lui poser des questions, partager leur peine et tenter d’avoir des réponses… Mais Gabrielle, aussi fragile que son élève suicidée, tente de se protéger par tous les moyens….
Au cours de ce long monologue qu’elle adresse, finalement, beaucoup plus à elle-même qu’aux parents éplorés, elle refait le fil de sa vie. On apprend donc qu’elle est née à Oran, qu’elle est venue vivre avec sa mère à Marseille à l’âge de 17 ans, qu’elle s’est mariée et qu’elle a tout abandonné pour venir vivre à Royan. Elle est seule dans la vie, a rêvé d’assassiner sa mère et a réellement abandonné sa fille. C’est donc à une personne « élevée à la dure », profondément blessée et qui s’est refait une carapace pour continuer à vivre, que souhaitent s’adresser ces parents endeuillés. Gabrielle ne s’en sent tout simplement pas capable. Pour survivre émotionnellement, elle s’est détachée des autres et se perçoit comme une proie face à ses élèves. Elle les qualifie de « fauves », de « reptiles », de monstres « bien nés » mais « mal élevés ». Elle désire être une bonne enseignante, mais refuse de se faire dévorer par ses élèves. Ainsi, cette demande d’aide des parents la laisse totalement démunie, fragile et désemparée.
Comme le dit le proverbe : « Si tu veux tuer ton chien, accuse-le de la rage. » Ainsi, Gabrielle dépeindra son élève suicidée comme ayant une immense chevelure qui la répulse, comme quelqu’un qui s’habillait très mal, et qui donc, indirectement, avait elle-même causé le harcèlement dont elle avait été victime de la part des autres élèves. Cela signe, bien entendu, le fait que Gabrielle s’identifiait à cette élève mal aimée et rejetée.
Il n’est donc pas si simple de « s’arranger avec sa conscience ». Passant sans passerelle du déni à la culpabilité, de son retour sur son passé à la réalité de cette élève, Gabrielle tentera sans relâche et sans succès de trouver la paix de l’âme. Sa dernière phrase sera : « J’ai causé indirectement la perte d’un être humain. »
Tel une partition de musique dont le thème principal serait repris sous différents modes, ce texte à thème principal unique se déploie sous différents sous-thèmes dont « Où s’arrête la responsabilité d’un professeur face à ses élèves? » « Le rôle d’enseignant est-il d’abord un rôle de fonction avant d’être celui de psychologue, d’intervenant? » Gabrielle répond qu’elle est d’abord une personne avant d’être une enseignante, et qu’elle ne peut se substituer au rôle des parents. Elle affirme, par sa réflexion, qu’elle ne peut accueillir tous les maux de ses élèves et qu’elle doit garder le masque de fonction, pour pouvoir continuer à enseigner. La fêlure, chez un enseignant, est ce qui est le plus rapidement reconnu et attaqué par les élèves. Il est donc primordial qu’elle le conserve si elle veut continuer à être enseignante.
Royan, le professeure de français, au TNM jusqu’au 17 juin 2023.
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