Ce ne sont ni les halles centrales de Limoges, ni la halle Georges-Brassens à Brive. Pourtant, les clients limousins ne manquent pas au marché central de Royan, étape incontournable de leur séjour sur la côte Atlantique. Cet été, ils découvrent un édifice qui a rouvert, début juin 2024, après huit mois de travaux, et a retrouvé son lustre d’antan.
« Dès que je séjourne ici, c’est un passage obligé. Et là, j’ai l’impression de redécouvrir le lieu. C’est plus lumineux, plus aéré. Avec ce jaune et ce bleu, la fantaisie de l’architecture se voit mieux… », confie, non sans plaisir, Élise, 40 ans, originaire de Limoges, sous la voûte nettoyée du marché central de Royan (Charente-Maritime), qui vient d’être rénové.
Dans le cabas de la vacancière haut-viennoise, des huîtres de chez Papin, des céteaux et des langoustines d’un des six poissonniers, des samoussas et rouleaux thaïlandais de l’épicerie asiatique, des grillons charentais…
« Attachée sentimentalement » au marché depuis son enfance, la quadragénaire haut-viennoise aime en faire plusieurs fois le tour et y a ses habitudes. Dont certaines acquises plus récemment : sur les coups des onze heures et demie, c’est café ou verre de blanc – « en fonction de [son] envie du moment » – au Bar du Marché qui n’a désormais plus rien de vieillot…
Comme bon nombre de Limousins qui passent leurs vacances sur la côte royannaise – et pour ceux qui y ont une résidence secondaire –, flâner et acheter quelques victuailles au marché central, actuellement ouvert tous les jours, constituent une étape incontournable du séjour.
Entre 1953 et 1956
Mais ces derniers temps, les repères avaient été bouleversés. D’octobre 2023 à début juin 2024, un chapiteau provisoire a accueilli commerçants et chalands sur le parking adjacent, le temps que l’un des bâtiments emblématiques de la reconstruction de Royan retrouve sa beauté d’origine.
L’édifice bâti entre 1953 et 1956, pour remplacer l’ancien marché détruit par les bombardements de 1945, et dont l’architecture audacieuse a été saluée à travers le monde, avait sérieusement besoin d’une rénovation.
« Il fallait reprendre les fondations, car il y a eu beaucoup d’infiltrations d’eaux au sous-sol, où reposent les pieux métalliques qui supportent les ondes de la structure. Et il arrivait régulièrement que les clients aient les pieds dans l’eau », explique Charlotte de Charette, responsable du service du patrimoine de la municipalité de Royan, lors d’une visite organisée chaque jeudi de l’été à destination des touristes.
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« Une différence assez subtile » dans les jaunes
Au-delà des travaux d’étanchéité, d’évacuation et récupération des eaux et de cette consolidation, invisibles aux yeux du public, ce qui frappe au premier abord, ce sont les couleurs pétantes de l’extérieur de ce bâtiment classé Monument historique en 2002. « Ils ont gratté sous les couches pour trouver les teintes vives originelles », s’enthousiasme Alexandre Guillou, président de l’association des commerçants du marché central, devant son étal de rôtisserie qu’il tient depuis treize ans.
« On a fait appel à des experts qui ont exploré différents endroits des façades sur le principe de la stratigraphie en archéologie », détaille Charlotte de Charette. Résultat : le bleu des portes (dont les menuiseries ont été refaites, elles aussi) et des tôles ondulées est plus foncé, le jaune est ocre sur le dessous des courbes et acidulé sur les tranches. « Une différence assez subtile », poursuit la responsable du service du patrimoine, mais qui confère à l’édifice en béton armé enduit de blanc un nouvel éclat, celui qu’il avait à son ouverture.
Un anneau de lumière
À l’intérieur, autre surprise : les projecteurs juchés sur un mât central jugé peu esthétique ont disparu au profit d’un éclairage circulaire qui valorise la voûte sphérique de 52 mètres de diamètre, nettoyée par la même occasion. Cet anneau de lumière, qui donne la sensation d’auréoler les stands, existait dans les années 50, « mais en plus petit ».
Le Palais des Congrès de Royan a retrouvé son style d’origine
Rien n’entrave donc la perspective (comme le souhaitaient les concepteurs de cette armature sans poutres ni piliers) et impossible d’ignorer les rayons de briques de verre sous la coque. « Au départ, les ingénieurs avaient pensé mettre de grands hublots, mais ce sont les pavés qui ont été préférés sur ce voile de béton de seulement dix centimètres d’épaisseur », resitue Charlotte de Charette.
Sous les grandes baies vitrées des tympans, elle signale aussi les noms des différentes portes, « Champlain », « Pierre Loti », « Daniel Hedde », « Font de Cherves », désormais soulignés par des lettres lumineuses et indiquant tout simplement les rues.
Coquillage ou parachute ?
Reste à trancher l’ultime question : coquillage ou toile de parachute ? Dans la bouche d’Alexandre Guillou, c’est le mot “parachute” qui sort spontanément.
« Les architectes, Louis Simon et André Morisseau, qui ont travaillé avec l’ingénieur Bernard Lafaille, puis son successeur René Sarger, imaginent un coquillage, symbole de renaissance, explique Charlotte de Charette, mais ceux qui l’ont construit, qui étaient sur le chantier, parlaient de “parachute”. On peut donc dire que les deux interprétations sont exactes. »
Pratique
En juillet et août, le marché central de Royan est ouvert tous les jours de 7 heures à 13 heures (fermeture le lundi hors saison).
Une visite sur l’architecture du site est proposée par le service patrimoine de la Ville de Royan les jeudi 25 juillet, 8 août et 22 août 2024, à 10 heures. Tarif : 10 euros. Réservation obligatoire au 05.46.85.56.83.
Textes : Hélène Pommier
Photos : Stéphane Lefèvre
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