Elle ne devait durer que quelques mois… elle sera restée deux ans. Mais cette fois, l’heure de la fin a sonné pour la « mappemonde » de la rue Fleuriau, cette œuvre d’art éphémère, taillée par l’artiste Jean Denant dans l’enduit fatigué d’un mur d’hôtel particulier, en plein centre-ville de La Rochelle. Une œuvre discrète – on pouvait passer devant sans la voir – mais qui a connu une notoriété étonnante, adoptée par de nombreux Rochelais et par des visiteurs venus de bien plus loin. Au point que ses commanditaires, les organisateurs du festival d’art contemporain « Printemps Fleuriau », avaient pensé à la conserver définitivement, avant de renoncer. Hier matin, c’était l’heure des adieux.
Michel déploie un échafaudage devant le mur de la mappemonde. Dans quelques jours, cet ouvrier d’une entreprise de ravalement sortira le burin pour l’effacer. Le cœur un peu gros, c’est sûr : « surtout que moi, j’aime bien la peinture, la sculpture, et ça fait un peu mal au cœur. Mais bon, il y a d’autres murs à La Rochelle. Peut-être qu’il y aura d’autres endroits sûrement pour ça. » Même sentiment de deuil chez la propriétaire du mur concerné, Alice : « on s’habitue. Ce qui me plaisait, c’est aussi la réaction des passants, qui s’arrêtaient, prenaient des photos, ils avaient l’air complètement étonné et c’était très, très amusant à observer. »
« Enterrement festif »
Des adieux joyeux pour le marchand d’art sétois Martin Bez, ami personnel de l’artiste Jean Denant, que le hasard fait passer à La Rochelle où il voit cette mappemonde pour la première fois. * »*C’est en quelque sorte le monde qui s’en va puisque ça va être enlevé, analyse ce spécialiste. C’est la vie, mais ça va rester dans les mémoires. C’est comme c’est un enterrement festif et la vie continue. »
Un départ tout en sobriété comme cette œuvre, faite de quelques coups de burin dans un enduit fatigué. « Ce que j’aime beaucoup dans son travail, poursuit Martin Bez, c’est qu’il fait du bien avec du moins. Il enlève. Et en 2024, enlever quelque chose, agir dans la déflation artistique, c’est magnifique. » Le galeriste en profite pour installer dans la rue deux autres œuvres de Jean Denant, qu’il transportait dans son camion – hommage à la mer Baltique, l’une des plus polluées au monde.
« Ce n’était pas un problème financier »
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Une œuvre qu’Alice aurait bien aimé garder. Il aurait fallu l’entretenir, bien sûr, ce qui aurait occasionné un coût financier. Mais « ce n’était pas un problème financier », assure la galeriste rochelaise Bérangère Auvergnat. « On a dit que l’artiste demandait 30.000 euros, ce n’est pas du tout ça. On ne lui a pas demandé combien il voulait nous la vendre, mais à combien il l’estimait ! » En réalité, ce fut une décision artistique qui a guidé les organisateurs du Printemps Fleuriau.
« C’était un peu compliqué de conserver l’œuvre en l’état, avec un mur neuf autour », précise Berangère Auvergnat. Le risque était grand de dénaturer la fragile beauté de la mappemonde. « Aujourd’hui, elle se découvre comme un trésor caché. C’est-à-dire qu’on peut passer devant des milliers de fois sans la voir, et là elle est fondue dans le dégradé du crépi qui est ancien. Est ce que ça donnerait la même chose aujourd’hui avec un crépi neuf autour? On n’en est pas sûr. »
Le temps est donc venu de lui dire adieu. « Et puis on est tous voués à disparaître un jour, conclut la marchande d’art. Mais dans nos cœurs, elle restera… » Le Printemps Fleuriau songe toujours à créer une appli sur téléphone permettant de faire réapparaître l’œuvre, en scannant un QR code. En attendant de trouver à la mappemonde une digne successeure. Et pourquoi pas dès la prochaine édition du festival, le 24 mai.
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