ParisTurf : Ça y est, le cap des 1.000 victoires est atteint…
Bertrand Lestrade : Depuis que j’avais passé le seuil des 900 victoires, ça trottait dans un coin de ma tête. C’est une barre symbolique, seulement franchie par deux grands noms, Christophe Pieux et Jacques Ricou, jusqu’à maintenant. Je rejoins un cercle très fermé, ça donne évidemment du relief à ma carrière.
Vous espériez parvenir à ce total en 2023, il vous a fallu patienter quelques semaines.
Je n’ai pas réalisé un gros second semestre et il me restait encore 7 victoires pour y parvenir au 31 décembre. Je n’en faisais pas une fixation, mais tout s’est précipité quand j’ai remporté trois courses d’affilée entre le 2 et le 4 février. Il n’y en avait alors plus qu’une à gagner et elle est arrivée rapidement, quatre jours plus tard.
Cela avait été un peu plus long pour remporter votre première victoire en obstacle, huit mois (et 27 courses) après vos débuts dans la discipline.
Je me souviens parfaitement de ce moment. Je gagne avec Quanza d’Airy à Montauban (N.D.L.R. : le 20 juillet 2008) pour Jacques Ortet chez qui je travaillais. Le souvenir est d’autant plus fort qu’il s’inscrit dans un moment où je me posais beaucoup de questions.
De quel ordre ?
Pour être franc, l’obstacle, ce n’était pas du tout ce dont je rêvais à mes débuts. Moi, j’étais venu pour faire carrière en plat, devenir Olivier Peslier ou Christophe Soumillon. Mais le poids m’a rattrapé. J’ai fait une poussée de croissance à 15 ans et me suis retrouvé à plus de 58 kilos. Je me suis longtemps accroché au rêve impossible de poursuivre en plat, mais il a bien fallu se rendre à l’évidence.
Du coup, vous avez décidé de changer de discipline…
Non, j’ai décidé de changer de métier ! Je voulais rejoindre l’armée. J’aime les valeurs qu’elle prône. J’avais déjà commencé à remplir les papiers.
Qu’est-ce qui vous a fait changer d’avis ?
Thierry Lemer. Je ne le remercierai jamais assez. Il m’a quasiment forcé à sauter un cheval. J’ai sauté un fagot… et je suis resté sur mon idée que ce n’était pas fait pour moi. Mais, au moment de prendre la décision de continuer ou pas dans les courses, tout cela avait germé. L’amour du cheval et de la compétition a été le plus fort. Je suis entré au service du regretté Jean-Luc Laval, puis chez Jacques Ortet, qui était alors le maître de Pau. Il m’a fait monter, souvent les deuxième ou troisième chances de l’écurie, et j’ai obtenu des résultats appréciables au regard des circonstances. Ça m’a conforté dans ma conviction que je pouvais faire carrière en obstacle.
Comment vous retrouvez-vous quelques mois plus tard à rejoindre Guillaume Macaire à Royan ?
Il avait passé une annonce dans ParisTurf pour trouver un jeune jockey. Dans l’insouciance de la jeunesse, je l’ai appelé sans me poser de questions, comme le gosse qui n’a peur de rien que j’étais. Guillaume a cherché à me faire comprendre que sa méthode était différente de celle de Jacques Ortet. Je lui ai assuré que j’étais certain de mon choix et lui ai dit : “À dans un mois, on verra bien ce que ça donne.” J’ai donc débarqué un mois plus tard et la fusion a été immédiate entre nous. J’ai été embauché le 23 mars 2009 et à l’automne, j’avais perdu ma décharge (40 victoires). En six mois, j’avais fait 34 gagnants !
Et un an après, vous remportiez déjà votre premier groupe I.
Oui, avec Bel la Vie. Il m’a tout offert. Le premier groupe III en mars 2010, le premier groupe II et le premier groupe I lors du Prix Renaud du Vivier 2010.
Pourtant, alors que vous venez de remporter le Grand Steeple-Chase de Paris avec Bel la Vie en 2013, vous quittez l’écurie de Guillaume Macaire quelques semaines plus tard.
La décision était prise avec Guillaume depuis déjà deux mois. Il avait décelé le potentiel de Vincent Cheminaud et voulait en faire son premier jockey. J’avais du mal à accepter cette remise en cause alors que j’avais le sentiment d’avoir franchi les paliers et que je pensais mériter ma place de première monte. Est-ce que j’aurais ajouté quelques lignes à mon palmarès sans ce départ ? Je ne peux sincèrement pas le dire et personne ne le peut. En revanche, ce dont je suis certain, c’est que cela m’a fait grandir et m’a permis d’atteindre mon plus haut niveau quand je suis revenu chez lui quelques années plus tard.
En 2018, vous réalisez une saison incroyable avec 108 victoires en 271 courses.
Oui, 40 % de victoires, 70 % de podiums, 82 % de chevaux dans les gains ! Nous étions en totale harmonie, il pensait et j’agissais. Il n’y avait même plus besoin de se parler. Ça a été l’une des périodes les plus agréables de ma carrière.
Une page se tourne en 2020 quand vous cessez votre collaboration avec Guillaume Macaire, mais vous allez vite vivre de belles émotions avec Docteur de Ballon et son entourage.
Je ne pourrai jamais oublier Bel la Vie, mais ce que j’ai vécu avec Docteur de Ballon est merveilleux. Le contexte était particulier, il est vrai. On sortait du Covid et tout ce que l’on pouvait vivre alors nous semblait plus savoureux après cette période trouble. J’ai pu partager mes deux victoires dans le Grand Steeple en famille alors que les hippodromes venaient de rouvrir leurs portes et avec Louisa & Phil (Carberry), qui étaient persuadés d’avoir un phénomène dans leur écurie, mais ne parvenaient pas à signer une victoire dans un groupe I. Il y avait aussi les époux Gasche-Luc. Pouvoir leur offrir la victoire, c’était des moments incroyables. Je suis vraiment heureux d’avoir pu apporter ma pierre à l’édifice et que l’on partage tous ces succès. Ce fut une aventure sportive et humaine incomparable.
Après Guillaume Macaire, vous travaillez ensuite avec François Nicolle, son grand rival.
Ce sont deux grands personnages, mais complètement différents. Toutefois, je n’ai pas vraiment intégré le pool de jockeys de François. J’avais un pied-à-terre à Royan et je voulais pouvoir m’exercer régulièrement dans une écurie. François m’a accueilli. J’avais à cœur de connaître cette méthode qui connaissait tant de succès et affolait les compteurs. Mais mes employeurs, c’était d’abord mes clients, la famille Papot, la famille Devin… qui avaient des chevaux chez François.
Hormis deux victoires dans des groupes I en Italie, votre palmarès ne fait pas ressortir de succès marquants à l’étranger, notamment en Grande-Bretagne.
Je n’ai même jamais monté en Angleterre. Ma carrière n’est pas finie, mais c’est évident que ce serait un regret si elle devait se terminer sans connaître le plaisir de monter dans une belle réunion là-bas. D’ailleurs, quand mes enfants seront plus grands, si je n’ai pas réalisé ce rêve, je me laisserai une possibilité d’aller monter quelques mois outre-Manche pour ne pas vivre de regrets.
Revenons au présent. L’hiver se déroue très bien pour vous avec 8 victoires en 50 courses.
Les choses ont bougé en fin d’année puisque d’un commun accord nous avons cessé de collaborer avec Giovanni (Laplace) et Pierre-Alain (Chereau). Je gère tout moi-même désormais et cela ne se passe pas trop mal pour l’instant. J’ai la chance de travailler avec un bouquet de professionnels avec lesquels je m’entends bien. On va continuer à avancer de la sorte pour faire de bonnes années.
C’est quoi le prochain gros objectif de Bertrand Lestrade désormais, atteindre les 1.500 victoires ?
Si l’on parle de record, le vrai défi serait de viser les 2.000 victoires… et je sais que ce n’est pas faisable. Je vais avancer au jour le jour et on verra où cela me mènera. Tant que j’ai l’envie de la compétition et que j’ai de bons chevaux, tout est envisageable. Mais entre gagner 500 courses et 20 groupes I, je préfère les 20 groupes I. J’adore monter sur tous les hippodromes de France, mais je suis un peu plus attiré par le haut niveau que par les succès de masse. Donc, à part me créer une guerre qui n’existe pas avec Jacques (Ricou) pour le dépasser, la barre des 1.500, elle n’a pas plus de sens que ça.
Quelle est la part du jockey dans une victoire, selon vous ?
C’est vraiment difficile à quantifier. Sur un cheval déclassé, 99 % des jockeys l’emporteront. Sur un cheval qui n’est pas bon ou n’est pas dressé, le meilleur jockey du monde aura déjà du mérite à rester en selle. La qualité d’un jockey et son apport, on peut l’évaluer sur le long terme. Un bon jockey en pleine possession de ses moyens pourra faire obtenir un meilleur classement à un cheval, gagner au lieu d’être deuxième, faire un podium plutôt que de prendre la dernière allocation…
Si vous n’aviez pas eu un impact positif sur les chevaux que l’on vous a confiés, vous n’en seriez pas à 1.000 victoires aujourd’hui.
Sans doute. La longévité est quand même un critère important chez les jockeys. Quand on dure, c’est généralement parce qu’on n’a pas trop déçu les gens qui nous font confiance.
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