Comme on l’apprend dans le documentaire L’odyssée des plages, diffusé le samedi 15 juillet 2023 à 21h, sur Public Sénat, la plage, longtemps, n’inspira que le rejet. « Elle faisait peur, explique l’anthropologue Jean-Didier Urbain, parce qu’elle était le spectacle de deux infinis terrifiants : l’horizon, inconnu ; le vertical, effrayant par ses abysses et les monstres marins. » Nul n’y habitait. Rares étaient ceux qui s’y aventuraient. On est loin de L’hôtel de la plage, avec Anne Parillaud, ou de The Beach, avec Leonardo DiCaprio, de Guillaume Canet et de Virginie Ledoyen !

Comment la médecine a familiarisé les Français aux bains de mer

Le changement de perception s’opère en 1752 à Brighton, en Angleterre. Un médecin, Richard Russell, lance l’hydrothérapie, persuadé que l’air de la mer est à même de guérir tous les maux dont nous sommes affligés : de l’apathie à la rage en passant par la masturbation ! Il y envoie l’aristocratie s’y soigner. C’est à ce moment, selon l’historien Alain Corbin, que « la plage est née. » Mais il faut attendre les années 1820 pour que la noblesse française expérimente les bains de mer curatifs. Qu’ils trempent dans l’eau un doigt de pied ou y soient plongés la tête la première, les patients, transportés dans des carrioles à chevaux, ne dévoilent pas leurs corps.

Le dernier salon à la mode

La première révolution intervient au milieu du XIXe siècle. Des promoteurs, misant sur l’explosion du chemin de fer et la venue de la bourgeoisie urbaine, font éclore des stations balnéaires, de la Manche au Pays basque. Le Touquet, Trouville, Royan, Arcachon et Biarritz deviennent autant de perles vouées au délassement des classes aisées. Lesquelles érigent de somptueuses villas côtières. Mais cette population préfère fréquenter les casinos ou assister aux courses hippiques que se baigner. Quant aux stations d’une Méditerranée rebaptisée Côte d’Azur en 1887, elles restent des villégiatures d’hiver.

Sea, sex and sun

La véritable appropriation de la plage vient, une nouvelle fois, de la médecine qui, pour soigner la tuberculose, prône l’héliothérapie. Laquelle migre, dans les années 1920, de la montagne à la mer. À Antibes, un couple d’Américains, les Murphy, oblige l’hôtel Eden Roc à rester ouvert durant l’été 1923. Une première ! Dans leur sillage, Ernest Hemingway, Jean Cocteau et Gabrielle Chanel empruntent le nouveau Train bleu pour lancer la mode des bains de soleil. La natation devient, enfin, une activité balnéaire. Après-guerre, tandis que les plages se démocratisent, les corps se libèrent. Brigitte Bardot popularise le Bikini à Saint-Tropez en attendant, en 1970, le topless. Depuis, la plage a-t-elle épuisé tous ses mystères ?

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