Vendredi matin à 9 h 15. Le Falcon du Premier ministre vient d’atterrir sur la base aérienne 721 de Rochefort. Gabriel Attal est au téléphone avec Alexis Kohler, le secrétaire général de l’Élysée, qui gère à Paris la crise déclenchée par l’invitation finalement annulée des Soulèvements de la terre à la table ronde voulue par Emmanuel Macron, en ouverture du Salon de l’agriculture. « De toute façon, moi, je viendrai au salon mardi, comme prévu », répond Attal avant de raccrocher. Sous la pluie, deux clairons de l’armée de l’Air et neuf officiers au garde-à-vous rendent les honneurs au Premier ministre accueilli par le préfet. Le convoi démarre, direction le marché de Royan, première étape du déplacement en Charente-Maritime du Premier ministre qui va sillonner le département jusque tard ce soir.
« Il nous fait une arrivée à la Hollande ! » se gausse le maire en voyant la délégation cavaler sous la grêle. Un élu qui se tient à l’abri en attendant la déambulation suit sur son portable la polémique qui monte du côté de la Porte de Versailles : « Quel est l’abruti qui a pondu cette invitation aux Soulèvements de la terre ? J’ai bien une idée ! » ironise le député du coin, hilare, qui s’apprête à accueillir le Premier ministre. Naïvement, on pense spontanément à un expert du cabinet de l’Élysée. Avant de percuter. « C’est Macron lui-même qui a décidé de les inviter ? » interroge-t-on les deux compères. Silence, regards désabusés. Et nouvel éclat de rire.
Royan, son marché couvert, ses spécialités locales… Flanqué de la porte-parole du gouvernement Prisca Thevenot et des députés du coin, Attal la joue comme Chirac, et il est plutôt bon. Concentré sur la description de la bouchée de pâté qu’il engloutit avant de faire passer le plateau. « Il est beau ! » lancent quelques dames d’un certain âge, ravies de se faire prendre en photo avec lui. Ce n’est pas l’émeute, l’accueil est bienveillant, même si les interpellations sont nombreuses : le manque de médecins, les difficultés de recrutement de saisonniers, le sentiment souvent de se débattre dans un quotidien compliqué. « Ma fille est médecin à l’hôpital, elle n’en peut plus. Et vous savez quoi ? Ses collègues, ils sont roumains, espagnols, algériens… Sans eux, on n’aurait plus de médecins ! » Gabriel Attal intervient peu, écoute. Dans cette ville plutôt paisible, l’insécurité et l’immigration ne sont pas des préoccupations brûlantes. On souhaiterait même avoir plus de main-d’œuvre étrangère pour faire tourner les exploitations et les commerces.
Midi. L’Élysée publie un nouveau démenti : « Les Soulèvements de la terre n’ont été ni invités, ni contactés. » Au même moment, hors presse, Gabriel Attal rejoint une délégation d’agriculteurs. FNSEA, Jeunes Agriculteurs, Coordination rurale. « On n’a pas convié la Confédération paysanne, eux ils veulent détruire notre métier », précise l’un des responsables. L’échange est tendu, mais cordial. Les mesures de simplification prises par Matignon, le déblocage rapide des aides, la création d’un guichet unique, « ça va dans le bon sens », reconnaissent les exploitants. Toujours sensible : la question des revenus. Attal s’engage à reprendre la loi EGalim, propose un prix plancher pour assurer aux producteurs des revenus cohérents.
La concurrence ukrainienne ? « On a agi sur les volailles, les œufs, le sucre », se défend le Premier ministre qui rappelle que la France est isolée mais ferme sur le refus de signer l’accord de libre-échange du Mercosur. Interpellé sur le problème des digues censées empêcher l’eau de mer de grignoter les terres, Attal renvoie les collectivités à leurs compétences : « J’entends, mais je ne peux pas agir sur tout. » Le préfet promet des concertations pour renforcer les digues malgré les recours de la Ligue pour la protection des oiseaux. Le dialogue avec la FNSEA, localement, produit des avancées concrètes. Le Premier ministre n’est pas atteint par le procès en déconnexion ou en ignorance d’un monde paysan en souffrance, qui touche souvent « ceux qui décident à Paris ».
15 heures. Le vacarme du vent et de la pluie battante oblige le Premier ministre à élever la voix devant les conchyliculteurs de la pointe de la Fumée, à Fouras. Dans le local exigu de l’exploitation ostréicole de Ludovic Gentil, les paysans de la mer s’inquiètent des quantités de moules venues de Norvège, élevées dans des conditions discutables pour être déversées sur le marché français. L’autre priorité : relancer la vente d’huîtres françaises plombées par la contamination de parcs dans le bassin d’Arcachon. « Cinq cents millions ont été débloqués », souligne le Premier ministre, qui a demandé au service information du gouvernement de financer une campagne de promotion de la filière.
À Paris, Michel-Édouard Leclerc annonce qu’il ne participera pas, lui non plus, à la table ronde du président de la République en ouverture du salon. Sous la pluie qui redouble, le convoi repart pour trois nouvelles étapes aux confins du département. En fin d’après-midi, l’information de l’annulation du grand débat agriculture organisé par l’Élysée parvient au Premier ministre. Entre dépit et soulagement, la délégation acte la fin d’un feuilleton suivi à distance. Au moins, le Premier ministre n’a pas été abîmé dans la polémique.
22 h 30. Il pleut toujours. Le Falcon se présente sur la piste principale. « Gotham 3, autorisé à décoller. » Le Premier ministre débriefe le déplacement avec ses équipes et nourrit le récit des prochaines semaines, conforté dans son choix de s’attaquer en priorité au « travail ».
Et la crise agricole ? « Vous sembliez avoir noué le dialogue et convaincu par des mesures concrètes et rapides. Et à la veille du salon, le feu a été rallumé. Ça doit sérieusement vous contrarier ? » Silence. Long silence. Gabriel Attal fixe son interlocuteur d’un regard noir. Pas d’autre expression de désapprobation, mais la réponse est comprise. Y aurait-il un coin enfoncé dans la relation entre le président et lui ? « À l’inverse de beaucoup, je sais que je n’étais rien, personne avant lui. Je lui dois tout. Absolument tout. Je ne l’oublie pas et ça conditionne beaucoup de choses », tranche Attal. S’imposer, gouverner sans entorse à la loyauté, Gabriel Attal s’y attèle. « On questionne mon autorité ? Je n’ai aucun sujet avec personne, Gérald, Bruno, nos relations sont parfaitement fluides. Mais je comprends que l’on s’interroge. Si l’un d’eux avait été nommé à ma place, on aurait questionné de la même façon leur capacité à diriger. »
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